Ajouter aux favoris Malte Mueller – getty images
Pourtant, au moment oi? sous la surface qui se souhaite aussi commode que divertissant, celles-ci devoilent votre chaque visage. C’est ce qu’a surtout revele en 2019 la journaliste et autrice Judith Duportail dans son enquete L’amour sous algorithme (Ed. Goutte d’Or, disponible en Livre de Poche).
Pour amplifier la portee de le message, l’autrice co-ecrit votre documentaire eponyme avec le realisateur Jerome Clement-Wilz, qui sera diffuse ce 19 janvier 2022 sur France 2, dans l’emission Infrarouge , presentee par Marie Drucker. Pour Marie Claire, la journaliste revient sur les dessous, quelquefois pervers, des applis de rencontres.
Marie Claire : Dans le documentaire L’amour sous algorithme, plusieurs expert.es analysent l’ensemble de toutes vos echanges avec des hommes sur une appli de rencontre (Tinder, ndlr). L’une d’elles fait remarquer qu’on n’y parle pas beaucoup d’amour, ni de sexe. Comment l’expliquer ?
Judith Duportail : Pour les personnes qui n’ont jamais utilise cette categorie d’application, depuis une image un tantinet fantasmee selon laquelle on va sur Tinder tel on va sur Uber, pour avoir un date dans une heure ou pour y tomber sur un amoureux, ainsi, qu’on en parlerait comme ca, d’une maniere extremement decomplexee.
Mes applications de rencontre aujourd’hui paraissent moins utilisees Afin de rencontrer que Afin de tomber sur un soulagement, votre palliatif immediat, a un sentiment de solitude.
La realite reste a Notre fois plus triviale, et surtout beaucoup differente : la majorite des gens s’y livrent a des monologues – c’est une sociologue italienne qui avait theorise ce concept de “compensation digitale” – et deversent leurs emotions et leurs problemes sur leurs interlocuteurs.
On a l’impression d’avoir votre echange avec quelqu’un, ainsi, pourtant, on utilise ces applis plus comme un deversoir de l’ensemble de ses propres emotions. Mes applications de rencontre aujourd’hui sont moins employees pour accoster que pour trouver 1 soulagement, un palliatif immediat, a un sentiment de solitude.
Le point de depart de cette enquete, c’est la recolte de vos propres donnees sur trois annees. Qu’est-ce qui vous a frappe a J’ai lecture des echanges cumules ?
Judith Duportail : J’ai remarque une agressivite, une impatience si l’on ne repond pas d’emblee, Plusieurs incivilites. Indeniablement, aussi.
Et meme au-dela des echanges, le ton reste plus enerve et meprisant. Rien que dans les biographies, ces petits textes documents en dessous des photos, on percoit une impatience, une certaine brutalite.
Plusieurs vont en direct etre sur la defensive en ecrivant “Si tu me likes concernant pas satisfaire, qu’est-ce que tu fous la ?” ou “Pas J’ai peine de swiper si t’es gui?re un grand mec !”. C’est un espace En plus en plus toxique.
En parlant de toxicite, Il existe une sequence du documentaire ou l’on entend multiples utilisateurs.rices raconter certains de leurs echanges. Ce qui en ressort, votre n’est gui?re tant votre seduction que Notre violence ! Comment l’expliquer ?
Judith Duportail : Notre violence i propos des applications de rencontre reste banale. Ces applications paraissent un espace toxique. Comme les echanges sont effectues dans un cadre prive, entre 2 gens, la societe peine a le croire et prefere blamer des utilisatrices en un disant “A quoi tu t’attendais en allant sur ces app ?”
Si ces echanges etaient publics, comme dans Twitter ou via Instagram, on s’en rendrait compte. Je pense que des applications ne semblent jamais adaptees a J’ai realite des rapports sexistes de une societe. Peut-etre que dans 100 ans, quand il y aura eu une revolution feministe, votre sera agreable d’aller i propos des applications de rencontres.
Une femme celibataire et en recherche dans notre societe, elle sera alors consideree comme etant fautive ou meprisable, enfin de moindre valeur.
Mais la, les hommes qui utilisent ces applis, meme inconsciemment, aussi sans vouloir se l’avouer – ca me fait en gali?re de le dire, mais c’est votre que montrent nos enquetes sociologiques – meprisent ces dames qui y sont. Parce qu’une femme celibataire et en recherche dans notre societe, elle est encore consideree comme dit fautive ou meprisable, enfin de moindre valeur.
Et puis, on voit 1 tel desequilibre entre le nombre d’hommes et de femmes qui paraissent presents sur ces applis, que celles-ci manipulent les profils des hommes Afin de les inciter a payer ou a acheter plus d’options, en jouant avec leur frustration.
La totalite des ingredients seront reunis pour que nos choses se passent mal.
Quels seront les risques a laisser des algorithmes manipuler nos rencontres ?
Judith Duportail : Notre risque, c’est de ne rencontrer plus personne. L’utilisation de ces applications, au bout d’un moment, abiment et vont pouvoir rendre aigri.e.
Elles induisent une idee fausse, qui est de se dire qu’une retrouve amoureuse, c’est limite mathematique. Qu’il faudrait faire 10 dates pourris concernant avoir enfin, une belle retrouve.
Sauf que la realite, c’est qu’on reste permeable a une environnement et que quand on fera 10 dates pourris – durant qui on fut favorablement decue, au pire insultee -, il y a de fortes chances qu’a la onzieme rencontre, aussi avec un individu geniale, ce soit nous qui soyons desagreable, blasee. Ils font votre immense risque ! De perdre sa curiosite envers nos autres, de devenir mefiant, de tellement se blinder que plus personne ne nous atteint. Sur ces applis, on va pouvoir passer a cote de sa vie.
Au niveau politique, ces algorithmes nous font matcher avec des criteres qui seront bien discutables. Ce que j’ai montre dans mon livre-enquete, L’amour sous algorithme , c’est que les algorithmes etaient d’inspiration sexiste et qu’ils faisaient matcher nos hommes uniquement avec des femmes qui etaient inferieures a eux (plus jeune, moins aise financierement ou moins d’etudes).
Ce seront des choix qui ont ete faits a partir de raisons ideologiques. Moi je n’ai gui?re envie que la totalite des hommes que je rencontre dans mes ri?ves soient systematiquement soi-disant “superieurs” a moi.
Peut-on continuer a utiliser les applis de rencontres quand on a compris votre qu’il s’y a ?
Judith Duportail : j’imagine qu’il faut arreter les applications. Personnellement, je n’ai aucune technique pour en avoir une utilisation sereine, et je pense que c’est impossible.
“L’amour sous algorithme”, realise par Jerome Clement-Wilz. Coecrit via Judith Duportail et Jerome Clement-Wilz, et librement adapte de l’enquete de Judith Duportail parue a toutes les Editions Goutte d’Or. Musique originale de Rone.
Le documentaire est diffuse mercredi 19 a 23h00 sur France 2, dans la case Infrarouge.